Un soir de décembre, un père de famille est tué net sur une route du Var, percuté par un véhicule qui, en état d’ébriété, franchit une ligne continue pour doubler un poids lourd. Il laisse derrière lui son épouse et deux enfants adolescents, projetés du jour au lendemain dans une sidération totale, puis dans un face-à-face éprouvant avec la compagnie d’assurance du conducteur responsable.
Dans ce dossier, j’ai assisté la veuve et les deux enfants dans la recherche d’une indemnisation intégrale de leurs préjudices. Malgré la violence des faits, l’assureur a longtemps proposé des montants très inférieurs aux enjeux réels, tardant à formuler une offre complète et contestant plusieurs postes, notamment les pertes de revenus du foyer, certains frais concrets (obsèques, gardiennage, prothèses auditives) et l’étendue du préjudice moral.
Par jugement du tribunal judiciaire, la famille a obtenu la reconnaissance d’une indemnisation globale de plus de 400 000 € pour l’ensemble de ses préjudices :
– indemnisation complète de la perte de revenus du foyer, au bénéfice de la veuve et des deux enfants ;
– prise en charge des frais d’obsèques, du gardiennage du véhicule et des prothèses auditives détruites lors de l’accident ;
– confirmation de l’indemnisation du préjudice d’affection de chacun des proches.Surtout, le tribunal a admis deux postes particulièrement sensibles sur le plan humain :
– d’une part, les « souffrances endurées » de la victime avant son décès, en retenant que le choc, la conscience de la situation et la brièveté de la survie n’excluaient pas des douleurs physiques et psychiques intenses ;
– d’autre part, le « préjudice d’angoisse de mort imminente », indemnisé de façon autonome, en raison de la conscience par la victime de sa mort proche, telle qu’attestée par le témoin venu lui porter secours.
Le juge a également sanctionné l’assureur pour le caractère incomplet et tardif de ses offres, en lui imposant de verser, en plus des indemnités principales, des intérêts au double du taux légal sur une base de plus de 265 000 € pendant près de dix-neuf mois.
Autrement dit, le temps perdu et les offres insuffisantes ont eu un coût financier concret pour l’assureur, au bénéfice de la famille.
Ce jugement illustre à la fois la brutalité des conséquences humaines d’un accident mortel, l’importance de défendre méthodiquement chaque poste de préjudice (y compris l’angoisse de mort imminente), et le rôle du juge pour rappeler aux compagnies d’assurance leurs obligations légales d’indemnisation loyale et diligente.